Un café virtuel avec Samir Bounemeur, expert en démarches de Management RSE et Certifications
Mercredi 28/10 à 20.30
Vous avez l’expérience de systèmes qualité tant dans les structures importantes qu’en PME, les approches diffèrent elles ?
Oui, tout d’abord, la différence importante de moyens influe énormément sur les aspects extérieurs. Globalement, d’un côté nous trouvons une équipe dédiée au sujet, constituée de nombreux collaborateurs avec des formations élevées, experts et auditeurs internes, et de l’autre, souvent une seule personne, parfois même non spécialiste, rarement à plein temps sur le sujet.
En effet, je suppose que cela influe nécessairement sur la qualité des systèmes en place ?
Bien sûr, il ne saurait en être autrement. Les majors ont toujours des systèmes élaborés, relevant d’une certaine « orthodoxie » intellectuelle en la matière. Il s’agit de systèmes très techniques, matérialisant avec précisions les analyses, les interactions et le reporting, le tout dans une gestion documentaire rigoureuse, voir pointilleuse.
A l’inverse, la PME a souvent un système qualité qui reflète les moyens qu’elle a consenti à investir a minima tant en interne qu’en externe. Avec en corollaire, la qualité du consultant sélectionné. Ce point est important car, souvent vu comme un coût et non comme un investissement, la qualité n’est souvent jamais upgradée, juste entretenue à minima pour passer l’audit. A ce titre, je suis souvent navré de voir des PME prometteuses en matière de management, ne faire appel à un consultant qu’une fois par an pour réaliser un audit à blanc consistant pour l’essentiel « à faire le ménage » avant la venue de l’auditeur de certification.
C’est une question de budget, bien compréhensible, non ?
C’est en effet « compréhensible », mais nullement vertueux pour autant. Le « budget » n’y est pour rien. C’est en réalité une question de priorité ; le management comme discipline et l’ISO 9001 en particulier, quoi que l’on dise ne sont pas considérés comme la priorité du Dirigeant car non perçus à leur juste valeur.
Or l’ISO 9001 est « un objectif » mais plus encore « un chemin », un système mais également une école pratique d’apprentissage et d’expérimentation qui adresse l’ensemble du management pour « progresser » dans son organisation, ses prises de décisions, son partage de l’information, …. Elle permet « de former l’encadrement et le monter en compétence » sur le plan managérial.
C’est une sorte de « conduite accompagnée » au management.
Les majors appréhendent cela plus naturellement ?
Oui, tout à fait, dans les structures de taille importante, la valeur du management est intégrée et pratiquée. Toutefois, cela se réalise à travers plusieurs « disciplines » qui viennent en concurrence avec l’ISO 9001 et qui ne permettent pas à celle-ci de déployer tout son potentiel. En réalité le système de management ISO 9001 est souvent construit par des techniciens experts pour s’adresser à l’auditeur de certification plus qu’aux autres parties prenantes internes, même si le discours officiel est bien évidemment l’inverse. En corollaire, des systèmes qualité documentairement hypertrophiés, passant à côté de l’essentiel, le management, au sens pilotage des activités pour de l’amélioration continue.
Auriez-vous des exemples concrets ?
Bien sûr et vous verrez que les exemples qui suivent questionnent fortement sur le fondement de ce que doit être l’ISO 9001 dans un environnement managérial riche et dense. Pourquoi, quelle valeur ajoutée, quel positionnement par rapport aux outils managériaux existants ?
Je donnerai ici quatre exemples paradigmatiques :
- Les procédures
Pourquoi en rédiger spécifiquement si « personne ne les lit » ? Pourquoi en rédiger alors que le Contrôle Interne est quant à lui spécifiquement basé sur cet outil et en gère en général plusieurs dizaines ? Pourquoi en rédiger alors que la norme ISO 9001 n’en exige pas ?
- Les risques
Comment traiter l’analyse de risques alors que le Contrôle Interne évoqué précédemment en est la discipline reine par essence, bien plus « performante » sur le sujet que les « professionnels de l’ISO » ne le seront jamais ?
- Les audits
En corollaire, pourquoi s’évertuer à réaliser des audits, dit à tort « de management », mais qui pour l’essentiel se concentrent sur le respect des procédures ?
- Les indicateurs
Comment traiter cette thématique et avec quelle valeur ajoutée alors que le contrôle de gestion notamment, en général informatisé, gère plusieurs dizaines voire centaines d’indicateurs avec reporting quotidien et consolidation à la période souhaitée ?
Les questions sont pertinentes, mais quelle(s) réponse(s) apporter ?
La clé est sous nos yeux ; elle réside dans le fait que l’ISO 9001 est un Système de Management de la Qualité, donc de l’entreprise, donc de son organisation et de son fonctionnement. Il ne devrait donc y avoir, me semble-t-il, qu’un unique système de management dans une entreprise, Son Système de Management.
Si nous partons de ce postulat, alors l’ISO 9001 peut atteindre une dimension vraiment exceptionnelle. Dans le cas des « majors » tout est là en matière de management, y compris les instances, disciplines et outils de mesure et de supervision.
Imaginez un peu, un système qui aurait pour objectif, non de créer de nouveaux documents ou de nouvelles instances, mais de fédérer, articuler, interfacer et inscrire dans une dynamique d’amélioration continue, « tout ce qui existe déjà ». Ceci n’est hélas souvent pas le cas chez les « majors » et c’est en ce sens qu’ils sous-utilisent l’ISO 9001.
Oui mais l’auditeur externe cherche des réponses précises, normalisées ?
Non, pas de la manière dont vous l’entendez. Oublions l’auditeur. Nous devons lui présenter « ce que nous faisons », charge à lui à effectuer la gymnastique intellectuelle nécessaire pour s’assurer que cela colle avec les exigences et principes de l’ISO 9001. Ce n’est pas « notre souci » mais bien évidemment, nous devons préalablement nous assurer que c’est effectivement le cas. Plus concrètement, imaginons une grande carte type « mind mapping », disons format A0 ou format Affiche de cinéma. Informatiquement, l’outil MURAL répond tout à fait à ce besoin. On « modélise » notre système de management à travers des dessins et diagrammes, façon design thinking et on répartit sur le dessin les numéros des articles et sous articles de l’ISO 9001. Ça, c’est pour l’auditeur. En ce qui nous concerne, nous travaillons sur le fond, c’est-à-dire, je le rappelle, articuler nos outils et instances, optimiser la circulation de l’information stratégique, le tout dans une démarche d’amélioration continue.
Les Responsables Qualité vont être au chômage ?
Bien au contraire, cette approche augmentera leur valeur ajoutée. La tâche est immense et combien stimulante. Au lieu d’être les gardiens des procédures « que personne ne lit », quoique l’on en dise, ils peuvent devenir les acteurs du processus de maturation du management.
Propos recueillis par Valentina D
Experte en communication auprès du Groupe Intelligence & Techniques Stratégiques
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